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Document Type

Article

Publication Date

Winter 1-2022

Abstract

Avec la grande ville au cœur des romans noirs, les activités illégales, les portraits de délinquants, ainsi que de détectives et de flics qui naviguent entre des valeurs morales et amorales prennent place au sein du roman policier. Proposant une image mitigée de la banlieue nord, montrant une culture et des valeurs qui lui sont propres mais aussi ses contradictions et ses malaises, les romans de Rachid Santaki se démarquent du reste de la littérature policière par leur mise en scène de héros issus de l’immigration. Si l’intrigue policière se concentre sur la description de milieux criminels liés au trafic de drogue, de guerres de gangs et de cas de corruption au sein de la police, les personnages évoquent aussi des pans de l’histoire de la banlieue parisienne, retraçant les origines du patrimoine culturel populaire et urbain des jeunes immigrés maghrébins et africains. Sonore et populaire, car ponctuée de verlan, la prose rythmée de Santaki associe littérarité et oralité et se transforme par l’influence du rap.

La France métissée et multiculturelle de Santaki se rapproche de la société multiculturelle et multiraciale de grandes villes des États-Unis décrite par certains écrivains américains qui donnent voix à des franges de la population et à une culture urbaine absentes des représentations dans la culture populaire (comme George Pelecanos, un de ces « écrivains qui viennent de la street », dont le roman policier Le chien qui vendait des chaussures est cité dans le texte). Bâties autour de personnages de jeunes qui débutent dans la vie d’adulte et ont du mal à trouver un mode de vie qui leur convient, les enquêtes de Santaki s’articulent autour de la quête d’un sens, d’un élan vital éloigné de valeurs destructrices. Comme certains rappeurs français Santaki lutte contre l’attrait de la thug life, sans se montrer moralisateur.

Intertextualité

Ancrant ses romans dans la réalité, Santaki ponctue Les anges s’habillent en caillera et Les princes du bitume d’articles presse réels consacrés à la banlieue. Cet intertexte s’associe à celui de paroles de hip-hop qui mettent en relief le côté militant et historique du hip-hop en tant que moyen d’expression des opprimés et lien culturel. Reprenant le travail de groupes de musique et de rappeurs initié par des groupes comme Zebda ou IAM, qui proposaient une identité locale et globale hybrides, et ont contribué à développer une conscience nationale élargie, les héros de Santaki font référence à la culture populaire française et revendiquent comme propres les valeurs républicaines françaises. L’image de la banlieue que transmettent les récits de Santaki n’est pas exclusivement construite à partir des personnages d’immigrés, c’est aussi la banlieue de Français de souche. Santaki contribue ainsi à la construction d’un espace d’intégration qui fait partie de la culture républicaine française et recrée une représentation plus vraie, non seulement de la banlieue, mais aussi d’une identité nationale et culturelle plurielle française.

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Références de l’ouvrage : Christelle Colin, Emilie Guyard, Myriam Roche, Le polar dans la cité : littérature et cinéma, Pau, PUPPA, 307 p. ISBN : 2-35311-141-6

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